« Dans les rues de Berlin, j’ai pleuré l’Ange Bleu,
dans le creux de tes reins, j’ai fait des envieux » (L’Horizon funèbre,
Dead Rats)
Nous avions évoqué, il y a
plusieurs mois déjà, l’univers singulier de Christophe BIER à l’occasion de la
sortie de son ouvrage sur Joseph FARREL. Il revient aujourd’hui avec une bande dessinée
pour adultes, SM le Maudit dont il a signé le scénario. Les dessins sont l’œuvre
de YXES, auteur de La Capitaliste Rhénane.
Il s'avère inutile de souligner outre-mesure la référence cinématographique du
titre que chacun, ici, aura saisi à l’évidence. Après le roman, la bande dessinée
offre à Christophe BIER un espace de liberté totale, une aire de jeux
sadomasochistes où toutes les perversions éclosent dans les nuits chaudes du Berlin
de l’entre-deux guerres, celui qui a vu naître le cinéma expressionniste
allemand, les cabarets décadents ou encore Marlène DIETRICH
Nous retrouvons au fil des
pages les marottes de Christophe BIER : les femmes dominatrices montées
sur des hauts talons, les cirques ambulants où s’exprime la beauté des Freaks,
la soumission complaisante d’hommes ravalés au rang d’objets sexuels engoncés dans des corsets serrés, une
cinéphilie aiguë qui puise ses racines dans les cinématographies européennes, le travestissement … Le héros malgré lui, Siegfried Mann, jeune bellâtre qui rêve des
feux de la rampe deviendra la vedette de films particuliers, réservés aux
femmes, de Hilda Von Kroft, réalisatrice géniale, ambitieuse et perverse. Au fil des pages, les humiliations et les punitions gagnent crescendo en intensité jusqu’à un apex sidérant dans un cirque sordide perdu dans les plaines moldaves…
Naturellement, la lecture de SM
le Maudit est réservée, selon la formule, à un public averti. Pouvait-il en être
autrement ? Heureusement non !
Conjuguant références (les titres féminisés de succès cinématographies, décors cinégéniques)
et fantasmes outranciers (dont je vous garde la primeur), SM le Maudit vous plonge bouillant dans un bain glacé.
Véritable manège à sensations fortes pour reprendre une image foraine, cette BD
explose les barrières de la bienséance et présente un récit fantasmagorique du
sadomasochisme, très éloigné des succès contemporains (cinquante nuances et
consort). Il y a des portes (vertes) qu’il faut oser franchir, au risque de s’y
perdre, pour gouter au miel mystérieux d’univers
inexplorés.
(D.L)
Editions Dynamite, mars 2018.
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