dimanche 22 juillet 2018

SM LE MAUDIT

« Dans les rues de Berlin, j’ai pleuré l’Ange Bleu, dans le creux de tes reins, j’ai fait des envieux » (L’Horizon funèbre, Dead Rats)

Nous avions évoqué, il y a plusieurs mois déjà, l’univers singulier de Christophe BIER à l’occasion de la sortie de son ouvrage sur Joseph FARREL.  Il revient aujourd’hui avec une bande dessinée pour adultes, SM le Maudit dont il a signé le scénario. Les dessins sont l’œuvre de YXES, auteur de La Capitaliste Rhénane.  Il s'avère inutile de souligner outre-mesure la référence cinématographique du titre que chacun, ici, aura saisi à l’évidence. Après le roman, la bande dessinée offre à Christophe BIER un espace de liberté totale, une aire de jeux sadomasochistes où toutes les perversions éclosent dans les nuits chaudes du Berlin de l’entre-deux guerres, celui qui a vu naître le cinéma expressionniste allemand, les cabarets décadents ou encore Marlène DIETRICH
 Nous retrouvons au fil des pages les marottes de Christophe BIER : les femmes dominatrices montées sur des hauts talons, les cirques ambulants où s’exprime la beauté des Freaks, la soumission complaisante d’hommes ravalés au rang d’objets sexuels engoncés dans des corsets serrés, une cinéphilie aiguë qui puise ses racines dans les cinématographies européennes, le travestissement …  Le héros malgré lui, Siegfried Mann, jeune bellâtre qui rêve des feux de la rampe deviendra la vedette de films particuliers,  réservés aux femmes, de Hilda Von Kroft, réalisatrice géniale, ambitieuse et perverse. Au fil des pages, les humiliations et les punitions  gagnent crescendo en intensité  jusqu’à un apex sidérant dans un cirque sordide perdu dans les plaines moldaves…
Naturellement, la lecture de SM le Maudit est réservée, selon la formule,  à un public averti. Pouvait-il en être autrement ? Heureusement non !  Conjuguant références (les titres féminisés de succès cinématographies, décors cinégéniques) et fantasmes outranciers (dont je vous garde la primeur), SM le Maudit vous plonge bouillant dans un bain glacé. Véritable manège à sensations fortes pour reprendre une image foraine, cette BD explose les barrières de la bienséance et présente un récit fantasmagorique du sadomasochisme, très éloigné des succès contemporains (cinquante nuances et consort). Il y a des portes (vertes) qu’il faut oser franchir, au risque de s’y perdre,  pour gouter au miel mystérieux d’univers inexplorés.
(D.L)
Editions Dynamite, mars 2018.


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