lundi 4 avril 2016

LE MANOIR MAUDIT chez Artus Films



 LE
LE MANOIR MAUDIT
METEMPSYCO

Dans les années 60 en Angleterre, une jeune femme ressent à distance les crimes commis dans un château. Avec l'aide de son père, elle se rend dans ce manoir maudit pour confondre l'assassin. 

Comme pour beaucoup de films de cette époque, l’affiche est bien meilleure que le long métrage lui-même. Toutefois, l’œuvre d’Antonio Boccaci – seul film dudit bonhomme – est à mon goût un peu trop décriée. Certes, le scénario ne fait pas dans l’originalité et donne dans le bricolage fourre-tout de l’épouvante. A l’instar des trains fantômes de fêtes foraines, les scénaristes (le réalisateur et Giorgio Simonelli) ont voulu en donner pour leur argent aux spectateurs et ont choisi la surenchère en se contrefichant de la logique, de la progression ou pire, du liant entre tous les éléments : nous retrouvons ainsi un monstre hideux au rire sardonique, un château-personnage créant l’ambiance par sa seule architecture, un hindou enturbanné, deux jeunes filles intrépides qui paieront amèrement leur curiosité, le beau portrait, le double rôle (Anna / la Comtesse Irène), un chevalier en armure, une salle des tortures etc. Du coup, on ne s’ennuie guère, même si l’on bougonne tout de même un peu devant tant d’incohérences dans cette machination alambiquée. Après un superbe générique dans un noir et blanc des plus classieux et le meurtre des deux jeunes femmes, l’action retombe très vite et le film s’embarque dans des chemins tortueux pleins de raccourcis scénaristiques faciles. Aujourd’hui, l’on sourit de bonne grâce, car le fantasticophile averti pousse les portes de ce château en connaissance de cause : ce que l’on recherche avant tout, comme Proust avec sa fameuse madeleine, c’est retrouver le cinéma du vieux monde, du bis d’avant, sans CGI, sans montage cut, sans humour à deux balles ; c’est retrouver le bon gout d’une vieille soupe, qui n’est certes pas le meilleur plat du monde, mais qui nous réchauffe à coup sûr le cœur et l’âme. Les interprètes féminines sont au diapason de l’atmosphère générale : Annie Alberti et Flora Carosello (= Elizabeth Queen : quel pseudo !) ne sont certes pas Sophia Loren et Ava Gardner, mais elles possèdent un charme indéniable, délicieusement kitsch, donnant plus de cachet encore à l’entreprise, surtout quand elles sont attachées et en proie à un monstre hideux.
Le meilleur atout du film, outre ses décors et sa photographie noir et blanc, s’avère d’ailleurs être ce monstre défiguré, au maquillage saisissant pour l’époque, qui fait monter à chacune de ses apparitions l’intérêt et l’attention. De surcroît, le bougre vit dans les catacombes et pratique avec une joie non dissimulée la torture… Que du bonheur !
Jetez un œil à l’occasion sur ce (petit) film d’épouvante gothique qui réactualisera les simples émotions que procuraient nos premiers élans cinématographiques, contemporains de l’enfance… Ça fait du bien parfois.

Didier LEFEVRE

METEMPSYCO, Italie 1963. Un film produit par Virginia Films. Prod. : Francesco Campitelli ; réal. : Antonio Boccaci [William Grace] ; scén. : Antonio Boccaci [Anthony Kristye] et Giorgio Simonelli [Johnny Seemonel] ; phot. : Francesco Campitelli et Antonio Boccaci [William Grace] ; mont. : Jean-Pierre Grasset et Gaby Vital ; mus. : Armando Sciascia.
Avec : Annie Alberti [Annie Albert] (Anna et la Comtesse Irène), Adriano Micantoni [Thony Maky] (Docteur Darnell), Marco Mariani [Mark Marian] (George Dickson) et Flora Carosello [Elizabeth Queen] (la Comtesse Elizabeth).
Noir et Blanc, 88 mn.



Chronique initialement publiée dans le Vidéotopsie n°12
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