samedi 30 juillet 2022

EROTIC BAZAR, CHRONIQUES DE l'ALCOVE

L’insatiable Monsieur DIDELOT Depuis qu’il a sonné le glas de Vidéotopsie, annonçant des trémolos dans la voix et des souvenirs plein la caboche la fin de son fanzine mythique (le mot n’est point galvaudé), nous laissant comme des guitares sans cordes incapables de vibrer, David Didelot n’a jamais été autant prolifique. Paradoxal ? Oui et non, messieurs, dames. Oui, parce que certains l’imaginaient peut-être couler une retraite zinesque pépère et se mettre à collectionner les timbres, les photos dédicacées de rugbymen et fantasmer sur les présentatrices des jeux télévisés de l’après-midi. Non, si on connait un tant soit peu le bonhomme, comme mij. David a l’écriture dans les veines comme d’autres la diamorphine et cette addiction s’avère une des plus ardues à éliminer. Au contraire, s’il n’a jamais été aussi prolifique, c’est justement parce qu’il s’est libéré du « carcan » de Vidéotopsie, cette petite musique intérieure qui vous oblige à continuer malgré la lassitude, cette petite voix qui vous confine à votre devoir dévotieux pour le fanzinat. Une passion se mue souvent en sacerdoce et je sais de quoi je cause. Bref, David, libéré de ses chaînes invisibles qui le liaient à ce labeur éternel, a lâché les chevaux de sa créativité et ce bourreau de travail nous gratifie de romans (chez Karnage), de bonus/livrets sur des éditions vidéo et de multiples textes sur ce qui le botte par les temps qui courent (dans le mauvais sens, c’est-à-dire droit dans le mur comme le chauffeur de Lady Di). Il regroupait d’ailleurs ses textes pour un recueil intitulé Bis Bazar, histoire de donner du corps à cette virtualité qui nous gêne toujours plus qu’un peu. Bah oui, on aime bien tenir entre nos pognes ce qu’on lit nous les gosses nés il y a une cinquantaine d’années maintenant. Et puis en juin 2022 paraissait Erotic Bazar, les chroniques de l’alcove où David nous cause par le menu, en long, en large et en travers d’une de ses marottes, à savoir le film de cul d’antan (qu’il soit érotique ou pornographique). Et comme dirait une nonne après une levrette des bois, ça fait du bien par où ça passe ! La mode est à l’ « elevated horror » (sous-genre fumeux synonyme de branlette intellectuelle non assumée), à la colorisation par la sociologie et le militantisme du cinéma, à l’hygiénisme intellectuel soufflant depuis les campus américains et bien, rassurez-vous, David prend exactement les vents contraires et met le cap sur le large pour nous faire respirer les effluves d’avant où un cul vu n’était pas perdu, les exhalaisons d’alors où ça sentait le chibre et la foufoune de velours. Erotic Bazar, c’est l’antidote au coronavirus de la pensée unique, à l’uniformisation des diversités (sacrée dissonance cognitive et pourtant en odeur de sainteté aujourd’hui). Nous retrouvons tout au long des pages le style « Didelot », reconnaissable entre mille plumes, conjuguant littéralité, élégance de la syntaxe, richesse du vocabulaire, érudition des informations et humour qui sourd entre chaque ligne. Il arrive surtout à parler film de cul sans se répéter, sans être rébarbatif, sans tomber dans la rigolade facile (même si on se marre) et surtout en ne se mettant jamais au-dessus des œuvres ou des artisans qui les ont créées. Mieux encore, on sent un profond respect pour les icones du genre (mêmes celles qui eurent un destin tragique), un réel attachement et une sincérité dans la gratitude qu’il leur exprime. Car sans Erotic Bazar, qui pour causer de la sorte de Marina FRAJESE, Karin SCHUBERT ou Patricia RHOMBERG ? Personne, ou si peu. Jamais Marina FRAJESE n’avait connu tel honneur, jamais à ma connaissance personne ne s’était intéressé de la sorte à sa filmographie et à ses « performances ». Et pourtant, elle le mérite tout autant qu’une autre. Comme David, où qu’elle soit (et c’est valable pour Karin SCHUBERT et feue Lili CARATI), j’espère que ces marques d’affection et de reconnaissance l’essaiment de quelques ondes positives. Au sommaire, outre l’érotopsie de Marina FRAJESE, vous retrouvez également un fabuleux dossier (et je pèse mes mots) sur les Josefine Mutzenbacher que David a quasiment tous vus (Il a osé Joséfine ! et osé la vanne page 7 !), le haut du panier du hard teuton, sur l’alpestre Heidi qui ne souffle pas que dans un cor, sur la divine Karin SCHUBERT à la carrière aussi diverse qu’étonnante en forme d’étoile filante vers un trou noir, un retour sur Yvette YZON, starlette des pénultièmes Bruno MATTEI et une rubrique de chroniques où se croisent la Cicciolina, Lili Carati et Anna Maria RIZOLI, entre autres belles plantes. C’est à tout un pan malaimé (même des bissophiles) du cinéma Bis que rend hommage David Didelot dans Erotic Bazar, un hommage sincère sans flagornerie ou enthousiasme exagéré, des œuvres prises pour ce qu’elles sont, ni plus ni moins. Ça aussi, cela fait du bien et cela mérite d’être souligné. A l’heure où j’écris ces lignes, je pense que l’ouvrage, magnifiquement illustré et agréablement mis en page par Rigs Mordo, est (quasiment) épuisé. Tant pis pour les cons de retardataires. Enfin, comment terminer sans évoquer la chance (que certains ne mesurent pas) d’avoir un personnage comme David DIELOT dans l’hexagone… Vraiment ! Vivement la suite !

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