dimanche 24 décembre 2017

MEURTRE PAR PROCURATION chez Elephant Films




Meurtre par procuration (Nightmare, 1963)
Un film de Freddie Francis




  Dans le numéro 35 d’Hammer Forever (novembre 2000), nous consacrions l’intégralité du sommaire aux thrillers de la Hammer, autrement baptisés les « mini-Hitchcock » en référence à leur source d’inspiration principale, Psychose et surtout le succès retentissant de ce dernier au box-office.
 S’il est vrai que la Hammer évoque davantage les monstres gothiques (Dracula, Frankenstein, la momie, etc.), la compagnie ne limita pas ses efforts dans ce domaine uniquement (relire l’intégrale d’Hammer Forever pour s’en rendre compte puisque Robin des Bois y croise des chauffeurs de bus comiques alors que des films de pirates se conjuguent aux films de guerre ou d’espionnage).


 Revenons à Nightmare (Meurtre par procuration, le titre français trahissant un peu trop l’un des ressorts dramatiques de l’intrigue). Le scénario de Jimmy Sangster recèle un nombre de twists suffisant pour faire danser l’imagination du spectateur. Après qu’elle a vu sa mère poignarder son père, une adolescente un brin attardée (elle trimbale en permanence une poupée et un poste de radio) est la proie de cauchemars récurrents où sa mère la hèle du fond de sa cellule capitonnée. Revenue dans la demeure familiale pour se reposer, les cauchemars s’accentuent et désormais elle est poursuivie par une sombre lady balafrée. Bientôt, rêve et réalité  se confondent et les prédictions de la demoiselle se révèlent exactes. Lors de son anniversaire, elle poignarde la femme à la cicatrice, en fait l’épouse de son « tuteur », Monsieur Baxter. A cet instant, nous sommes loin de la dernière bobine et la machination apparait au grand jour… Pourtant, l’intrigante infirmière, amante de son tuteur, sombre elle aussi peu à peu dans la folie… Qui la menace ? Une énième maitresse de son nouvel époux, Janet fraichement échappée de l'asile ?
 Vous le devinez comme de nombreux thrillers et moult gialli, Nightmare biberonne aux deux mamelles du genre à savoir Henri-Georges Clouzot et Les diaboliques pour la machination, le piège infernal et l’ambiance délétère et Psychose d’Alfred Hitchcock pour la disparition prématurée du personnage principal, les secrets d’enfance et le psychisme fragile et trouble des protagonistes.
 Freddie Francis n’est jamais aussi à l’aise que dans un noir et blanc classieux où les ombres s’échinent à nous chercher des noises (comme chanterait Bashung). La demeure lugubre aux couloirs interminables presque labyrinthiques offre des déambulations nocturnes et des apparitions spectrales dans la plus pure tradition gothique du genre. Il ne manque que les passages secrets chers à Edgar Wallace pour que le tableau soit complet. Freddie Francis n’hésite pas à filmer ses personnages de haut comme pour mieux montrer leur condition de marionnettes, de pions à la disposition d’esprits machiavéliques. 
 Au générique, aucune vedette de la firme n'apparait, pourtant l'interprétation s'avère solide, notamment  le natif de Niagara Falls David Knight, comédien américain roué au théâtre. Je demeure un peu plus dubitatif quant à Jennie Linden, mal à l'aise en adolescente tourmentée....
 Si le dénouement est des plus classiques, il s’inscrit dans une morale également coutumière du genre : le crime ne paie pas et chacun périra par là où il a pêché ! Sangster était un habile conteur et son intrigue, pourtant limitée à un unique décor, s’avère ciselée et tranchante comme un coup de poignard.


 Le Blu-Ray édité par Elephant Films rend grâce à la fabuleuse photographie en noir et blanc et démontre que ces mini-Hitchcock ont un réel intérêt dans l’histoire de la compagnie.
 Dans le bonus, Nicolas Stanzick, spécialiste es-Hammer, effectue un parallèle pertinent entre giallo et thriller made in Britain en indiquant les chemins divergents empruntés par les uns (le gothique pour les anglais) et les autres (le fétichisme du meurtre chez les italiens). Nicolas resitue également Nightmare dans la lignée des thrillers made in Hammer.
 Naturellement, à nos yeux, l’acquisition de ce Blu-Ray relève de l’impératif.

Didier LEFEVRE

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