Paranoïaque (Paranoiac, 1963)
Un film de Freddie Francis
Premier
film de Freddie Francis pour le studio Hammer en tant que réalisateur,
Paranoïaque se révèle être un mini-Hitchcock, veine creusée par la compagnie
dans le sillage du succès de Psychose. Le scénario est signé du spécialiste
maison à savoir Jimmy Sangster, aussi habile pour dérider les vieux mythes de l’Epouvante
que pour s’inspirer des thrillers triomphants au box-office. Il adapte ici un
roman de Josephine Tey, paru en 1949, « Brat Farrar » dont la Hammer
acquit les droits en 1954. Jimmy Sangster fut lui-même un romancier créant le
personnage de Snowball dans une série
de polars. Son script recèle tous les ingrédients du mini-Hitchcock : une
histoire familiale trouble lestée de secrets terrifiants, une frangine qui perd
la raison (Janette Scott) et qui ne désire qu’une chose rejoindre son frère
dans l’au-delà, un autre frangin alcoolique, colérique et dépensier (formidable
Oliver Reed aussi à l’aise dans la défroque de Simon qu’un saumon dans les eaux
pures d’un torrent de montagne), une vieille tante bigote et renfrognée. Un
jour, Tony, que l’on croyait mort, réapparait dans cet univers. Est-ce vraiment
ce frère suicidé ou un imposteur envieux de la fortune familiale ? Toujours
est-il qu’il tombe amoureux de sa sœur embaumant le film de Francis des
effluves sulfureux de l’inceste… L’intrigue, alambiquée et ténébreuse, nous
amène aux confins de la folie puisque Simon (Oliver Reed) et la tante (Shiela
Burrel) pratiquent d’étranges rites dans la chapelle abandonnée de la vaste
demeure. Et si c’était en ce lieu que se cachait le « cœur-révélateur »
(clin d’œil à Poe) de cette machination ? Je n’en dirai pas plus pour ne
pas éventer un dénouement aux multiples twists.
La photographie en noir et blanc d’Arthur
Grant et la mise en scène de Francis collent parfaitement à cette ambiance
gothique où le réel bascule inexorablement dans l’irréel. Une séquence
magnifique en témoigne, celle où Oliver Reed se débarrasse de Françoise l’infirmière
(Liliane Brousse). Il la noie dans une mare du domaine, un assassinat
complètement suggestif puisque seule une envolée de canards nous indique son
terrible forfait. Pourtant, le dernier plan, sous la surface de l’eau, nous montre Reed fasciner par cette
disparition, cette enfouissement sous une surface, cette plongée dans un autre
univers. Un plan magnifique qui, à lui seul, mérite que vous découvriez ce
film. D’autres saynètes marquent également notre imaginaire comme lorsque la
tante se muche derrière un masque grossier et brandit un crochet ou un couteau :
une imagerie qui n’aurait pas juré dans un giallo transalpin où la figure du
masque, du grimage est particulièrement répandue.
Paranoïaque fait partie des Hammer coproduits
par l’Universal et donc distribués dans un superbe coffret d’Eléphant Films. Le
Blu-Ray rend grâce au fantastique noir et blanc de la photographie. Dans les
suppléments, Nicolas Stanzick revient sur le phénomène des thrillers made in
Hammer.
Didier LEFEVRE
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