Pour vous donner encore plus l'eau à la bouche, je reproduis ici la chronique que j'avais réservé au film dans le Médusa 27.
Certains
ont parfois comparé hâtivement ce film avec le contemporain Massacre à la tronçonneuse de Tobe
HOOPER. Il est vrai que, dans les deux longs métrages, il est question de familles dégénérées aux
appétits cannibales mais comme le dit l’adage, comparaison n’est pas raison et Frightmare développe une toute autre
thématique. D’abord, dans Frightmare,
les dames mènent le bal alors que les protagonistes masculins se contentent de
subir, de regarder ou d’être à côté de la plaque. Ensuite, le film met en
exergue un criminel d’un autre type, un peu comme si la mère de Norman Bates
avait été bel et bien réelle et non le fruit de son imagination. Dorothy Yates
(excellentissime Sheila KEITH) est une rabid
grannie avant l’heure ! Une mémé friande de cerveaux en sauce qui
continue ses forfaits bien après sa sortie de l’hôpital psychiatrique devant le
regard soumis de son crétin de mari (le génial Rupert DAVIES : Dracula et les femmes, etc.). Le film
s’ouvre sur une séquence en noir et blanc, nous sommes en 1956 sur une fête
foraine vidée de ses amateurs. Là, un
homme (Andrew SACHS) est sauvagement assassiné. S’en suit le procès des
coupables, Dorothy et Edmund Yates, condamnés à l’isolement en psychiatrie.
Avec la couleur, vient notre époque (enfin le début des seventies). Les deux
filles du couple Jackie (Deborah FAIRFAX) et Debbie (Kim BUTCHER) tentent de
trouver un équilibre. Pas facile car Debbie sombre dans la délinquance et
Jackie s’inquiète beaucoup pour elle. Elle en cause d’ailleurs à Graham (Paul
GREENWOOD), un psy con comme un balai. Là, McGILLIVRAY et WALKER donnent un
coup de griffe à cette profession qui, selon le réalisateur, est surévaluée. Il
n’a pas tort le bougre ! Mais généralement, au cinéma, les psys et autres
experts sont vendus comme des sortes de héros à l’aura mystique. Ici, c’est un
brave couillon qui ne verra pas venir son funeste sort. Evidemment, les quinze
années passées à l’asile, n’ont pas guéri les vieux anthropophages et pire,
leur perversité semble héréditaire !
A mes yeux, il s’agit du chef d’œuvre de son
réalisateur, celui où il bouscule toutes les conventions, où il déplace le
curseur vers plus de trash et de subversion. Il cède aux sirènes du gore mais
parcimonieusement. Ces séquences « obligatoires » dans l’horreur
contemporaine sont accessoires tant la force et l’esprit du film résident
ailleurs. Il est salvateur de voir des
méchants aussi charismatiques, aussi ordinaires. Oublié le poncif de la
grand-mère apeurée qui s’évanouit en hurlant, place à la vieille garce cruelle
et sadique ! Découvrir aujourd’hui Frightmare
nous venge de deux décennies de « slashers » donnant la vedette à des
jeunes adultes écervelés. Le film doit beaucoup au talent incroyable de Sheila
KEITH, elle domine le casting et écrase de sa prestance les pourtant mignonnes
Deborah FAIRFAX et Kim BUTCHER. WALKER déclare que s’il ne devait garder qu’un
film dans sa filmographie, cela serait celui-là, je ne peux qu’opiner du chef
tant Frightmare m’a poursuivi
longtemps après sa vision. Une horreur moderne était donc possible en
Angleterre, contrée de l’épouvante gothique. La famille n’est pas forcément ce
modèle de stabilité, cet havre de paix et de sérénité, ce précieux réconfort
vanté pour toutes les occasions. Non, la famille peut être aussi un nid de
vipères malsaines, le lieu secret de toutes les perversités, de tous les
tabous : inceste, cannibalisme, homicide. L’humanité est une salope et
rarement on nous l’aura montré aussi explicitement que dans Frightmare ! A ce propos, le titre
italien tombe à pic car, effectivement, les
bêtes sont parmi nous…
FRIGHTMARE
Un film produit et réalisé par Pete WALKER (1974)
Titre espagnol : Terror sin habla
Titre italien: Nero
criminale – le belve sono tra noi
Scenario: David
McGILLIVRAY
Photo: Peter
JESSOP
Montage: Robert
DEARBERG
Musique: Stanley
MEYERS
Avec Rupert
DAVIES, Sheila KEITH, Deborah FAIRFAX, Paul GREENWOOD, Kim BUTCHER, Fiona CURZON, Jon YULE, Nicholas JOHN, Andrew
SACHS, Leo GENN…
D.L
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