« J’ai mis Raymonde dans le micro-onde,
elle va roussir ma fausse blonde,
J’ai
mis Raymonde dans le micro-onde, bronzage intégral en vingt
secondes ! »
(Al
Kapott, HP Love)
La
petite histoire de Médusa Fanzine
Chapitre
1 : TDCM
J’en vois déjà qui ricanent dans le
fond, raillant mon esprit nostalgique et avançant à raison que j’ai déjà osé,
plus souvent qu’à mon tour, le coup de l’anniversaire : dans le numéro 13
pour les 10 ans, dans le numéro 25 pour les 25 ans et maintenant sur ce blog
pour les 31 ans et deux mois, nonobstant la genèse de Médusa fort bien contée
par Christophe FOURNIER dans le numéro 7. J’avoue, je suis faible sur ce
coup-là mais que voulez-vous ? On ne se refait pas, surtout si c’est pour
être pire encore et je rumine une impression de gâchis et d’occasion manquée
avec ces trente ans qui m’ont échappé, trop occupé que j’étais à lire des
bouquins de sociologie barbants et à écrire un mémoire dont l’intérêt personnel
côtoie les profondeurs insondables du néant, professionnellement c’est autre
chose, mais je ne suis pas là pour ça…
Alors oui, en février 2019 alors que je présentais Le
masque du démon à l’audience toulousaine venue pour les 20 ans de l’Extrême
Festival (décidément les anniversaires…) et que je dissertais sur l’avenir du
futur du fanzinat au cours d’une table ronde (sans table), j’avais à l’esprit
que Médusa Fanzine soufflait ses 30 bougies d’existence. Ça en fait des balais
dans le placard et des films visionnés dans tous les formats et dans toutes les
langues, sans se soucier toujours de la qualité de l’image, de la balance des
couleurs ou de la provenance, des pages photocopiées et agrafées, des
enveloppes oblitérées et expédiées, des lettres reçues où se conjuguent la
jactance des uns et les remerciements des autres, des dépôts effectués, des bouquets
de phalanges serrés et des souvenirs plein la tronche…
Quand le premier exemplaire est paru, je n’avais aucune
idée de combien de temps cela allait durer. Franchement, je m’en foutais même. La
durée de vie d’un fanzine est drôlement variable, pas vraiment l’équivalent d’un
placement sur le long terme. La fourchette est large, de l’éphémère à l’âge
honorable. Néanmoins, si un ch’ti Mart McFly avait été de retour du futur et
m’avait confié : « Tu sais ton petit fanzine-là, Médusa, ben il
existe toujours en 2020 ! », je ne pense pas que je l’aurais cru.
C’eut été un peu comme s’il m’avait raconté que l’Allemagne se réunifierait ou
que nous pourrions battre ces bouffeurs de choucroute au football, je me serais
foutu de sa trombine et pas qu’un peu !
Pourtant, tout cela s’est bien déroulé. For real
comme le souffle Joanna CASSIDY à Harrison FORD dans Blade Runner. Alors, j’ignore ce qui est le plus incroyable dans
tout ça mais putain oui, Médusa a eu 30 ans. Trente ans dans une vie, c’est pas
mal. Et je n’ai presque rien vu passer… ni le renard ni les années.
Retour en 1989 donc, un petit encart dans le fanzine
musical Illusion Perdue annonce sobrement la sortie prochaine de Médusa,
fanzine du Fantastique. Une photo de La fiancée de Frankenstein illustre
cette nouvelle alors que le petit texte comporte uniquement mon adresse :
rien sur le contenu, pas une once du sommaire et nulle déclaration d’intention.
A mes yeux, l’image se suffisait à elle-même. Une approche minimaliste louable
mais qui n’attire point trop l’attention.
En outre, ce qu’ignore probablement
la plupart des gens qui virent cette pub, c’est que Médusa s’avère une sorte d’aboutissement,
l’expression de mes balbutiements dans le fanzinat, le résultat de nombre d’essais
et de brouillons plus ou moins réussis, des tentatives plus ou moins pertinentes,
plus ou moins intéressants, des microzines, des feuilles de chou, des conneries
imprimées ou ronéotypées sur du papier. En réalité, depuis trois ans déjà,
j’inonde mes camarades de lycée (pour l’essentiel) de mes publications, bien
aidé par quelques comparses dont un certain Christophe FOURNIER, mon plus vieil
ami sur la croûte terrestre, rencontré alors que Raymond BARRE était premier
ministre depuis peu. C’est vous dire si ça date. C’est avec lui que j’ai vu au
cinéma Ghostbusters (dans une salle archicomble si bien que j’eus une
nana de ma classe sur les genoux toute la séance ! who you gonna
call ? Buttbusters !), Gremlins, Retour vers le futur, Prince
des ténèbres (sa mère nous avait conduits, sur le retour elle nous demande
ce que ça racontait et Christophe de retorquer : « Alors le
diable est liquide dans un cylindre », je n’oublierai jamais le sourire
mi-complice, mi-surpris de sa maman ce soir-là), Le jour des morts-vivants,
Terminator et des dizaines d’autres. La plupart au cinéma Le Paris de
Maubeuge et d’autres à Valenciennes comme Two-Evil eyes d’ARGENTO/ROMERO.
Nous partagions également des dizaines de visionnages de VHS. Pour mes 14 ans,
j’avais invité des copains et des copines (une première), non pas à une boum
avec quart d’heure américain et danse frénétique sur les 99 ballons rouges de
Nena mais à une séance de Zombie de ROMERO un mercredi après-midi… Cela
reste un souvenir magnifique (en tout cas pour moi) mais je crois que les filles
avaient apprécié le spectacle aussi malgré quelques moues de dégoût. Avec
Christophe, nous écoulions les vidéoclubs du canton au guidon de nos scooters,
le sien était rouge, le mien bleu. J’ai quelques gamelles mémorables en mémoire
et des fous-rires inarrêtables. Dans chaque vidéo-club, nous épluchions le
rayon horreur avec une précision diabolique pour dénicher la perle rare qui
nous ravirait d’aise. Nous nous rincions les rétines en admirant les jaquettes
qui nous promettaient monstres et merveilles. Inutile de vous préciser qu’aujourd’hui,
la contemplation des DVD et des Bluray sur mes étagères bien qu’agréable ne me
procure pas le centième de ce que je pouvais ressentir au VidéoSelf ou au
VidéoKing.
Pendant les vacances de Noël 1986 alors que nous baignions
sûrement encore dans les retombées radioactives de Tchernobyl, je passais le
plus clair de mon temps à regarder des films fantastiques, manger du chocolat
et jouer sur mon Commodore 64, un micro-ordinateur bien cool sur lequel je
m’éclatais à Pitfall 2, Winter Games ou Summer Games (je vois encore les
drapeaux descendre pendant que les hymnes retentissent…). L’informatique de
cette époque-là n’avait évidemment rien à voir avec celle d’aujourd’hui mais je
m’amusais bien quand même. Je maitrisais d’ailleurs plutôt bien le langage
informatique « Basic » à force d’éplucher Hebdogiciel, un
hebdomadaire tordant qui filait des programmes pour créer soi-même ses jeux ou
ses logiciels. Dans Hebdogiciel, le ton était libre puisqu’il n’y avait
pas de pub alors les rédacteurs n’hésitaient pas à exprimer le fond de leurs
pensées (C’est de la merde !) et il
y avait même des dessins super trash de CARALI, bref du bonheur en barre. Donc,
je me débrouillais pas mal avec les « print », « input »,
« goto », « poke » et tout le tralala. J’avais fréquenté
aussi le club informatique de Monsieur PLUMECOQ au collège, professeur de
mathématiques à ses heures perdues, un prof sympa mais qui se foutait de notre
gueule lorsque nous répondions à côté de la plaque, sauf les jolies filles
comme toujours. Au collège, j’avais l’impression que les gonzesses mignonnes
jouissaient d’une sorte de totem d’immunité. Il suffisait qu’elles sourissent
béatement pour attendrir tout le monde, moi y compris je dois bien le
reconnaitre. J’en ai filé des Balisto et des BN dans l’espoir naïf d’être
apprécié, je me suis bien fait arnaquer ouais ! D’ailleurs, l’une d’entre
elles me l’avait glissé : « Tu es si candide ! ».
J’avais pris ça pour un compliment, émoustillé comme un acarien au salon de la
moquette avant de découvrir le sens de ce mot et garder mes barquettes saveur
abricot pour ma consommation personnelle.
Monsieur PLUMECOQ animait également le club « concours » et,
surtout, nous renseignait sur les inventions du futur : « Ils
travaillent actuellement sur une montre-téléphone et une
montre-télévision ». Peut-être avait-il pressenti quinze ans auparavant l’arrivée
des téléphones cellulaires ? J’apprécie beaucoup le croire. En tout cas, je
l’écoutais les yeux écarquillés et la bouche béante rêvant d’un futur de
voitures volantes et de combinaisons argentées, autant dire que quand je prends
la kangoo du boulot, le futur a une autre ganache…
Le club informatique donc, flanqué de TO7 et de MO5, des
ordinateurs français Monsieur mais dont les performances étaient très limitées,
j’estime d’ailleurs que n’importe quelle cafetière programmable d’aujourd’hui a
davantage de capacités que ces coquilles vides. Par conséquent, nous utilisions
très peu les ordinateurs mais nous échangions beaucoup de jeux (à l’époque sur
cassette audio) pour nos Commodore 64, l’ordi roi dans la première partie des
années 80. Les germanophones de retour
d’un voyage au pays de SCHUMACHER (l’assassin de BATTISTON) nous avaient raconté,
les yeux encore émus par l’envie, l’intérieur des maisonnées de leurs
correspondants avec chaine hifi dernier cri, téléviseur avec télécommande et
micro-ordinateurs. Nous fûmes plus d’un à commander l’objet au Père-Noël cette
année-là.
Noël 86 donc. Je bricole sur mon Commodore 64 :
« The Didier Computer Magazine », programmé par mes soins qui offre
aux utilisateurs un journal sur leur écran de télévision. Sans le savoir, j’avais
quelques années d’avance… Le contenu laissait à désirer mais me réjouissait
tout de même : le début d’une nouvelle, des fausses infos, une parodie
d’horoscope, de météo, des blagues nulles… Il fallait cliquer sur la barre
d’espace pour passer à la page suivante. J’avais soigné les fonds, multiplié
les couleurs, réfléchi à la mise en page. Très fier de mon journal
informatique, je filais le bébé à Christophe, qui avait aussi un Commodore.
Oui, il fallait l’engin pour le lire, ça limitait d’ailleurs le nombre de
potentiels lecteurs… Peu importe à mes yeux,
il s’agissait d’une farce, d’une occupation de vacances, d’un délire. J’aurais
pu réviser mes maths ou parfaire mon commentaire composé mais j’avais préféré
être créatif !
Sa réaction enthousiaste dépassait mes espérances,
Christophe avait adoré TDCM, étonné même par sa taille (quelques kilooctets
mais à l’époque c’était beaucoup !). Il me proposait aussitôt son aide
pour les numéros suivants et distribuait ce numéro 1 auprès de quelques autres camarades,
heureux « commodoriens ».
Pour
ma part, j’avais croqué la pomme et mangé le ver. C’était trop tard, le virus
(pour le moment informatique) du fanzinat, de la presse bricolée était en moi
et je n’en guérirai jamais. (D.L)
to be continued...
Fabuleuses anecdotes. Merci :-)
RépondreSupprimerFabuleuses je ne sais pas mais ce sont les miennes !
RépondreSupprimerAprès-midi "Zombie", j'ai fait aussi mais entre mecs seulement. Et le Commodore 64... un copain en avait un, l'idée que le jeu "se trouvait" sur une K7 audio me fascinait!
RépondreSupprimerJ'attends le chapitre 2, les souvenirs d'un bissophile, ça se boit comme du petit lait!
Splendides souvenirs, où l'on sent poindre une profession de foi, dans un contexte "historique" splendidement rendu. On sent bien là la qualité de ta plume que j'ai tant aimé dans tes Médusa !
RépondreSupprimerMerci Didier !