vendredi 28 février 2020

COLOR FROM OUT OF SPACE

 
 
 
 
 
 
En août dernier, je prenais le train pour Providence depuis Boston, l’occasion de visiter la capitale de l’état de Rhode Island mais surtout de humer l’air et d’éprouver l’atmosphère d’un lieu qui avait abrité le plus culte des écrivains de la littérature Fantastique, Howard Philip LOVECRAFT. Bien évidemment la ville de 2019 n’a plus grand-chose à voir avec celle qui a vu naître l’auteur de L’appel de Chtulhu mais quelque chose d’innommable m’irradia alors que je déambulais dans le centre-ville de cette cité (beaucoup de commerces rappellent que ce fut la ville de LOVECRAFT) et je songeais à ce créateur en grimpant les escaliers de la Rhode Island State House, immense et majestueuse bâtisse à quelques encablures de la gare. Je m’interrogeais surtout sur les nombreuses adaptations cinématographiques plus ou moins réussies, plus ou moins fidèles à l’esprit de la lettre de ses ouvrages, plus ou moins pertinentes. Je me disais tout en regardant s’éloigner un biker écoutant à tue-tête un vieux tube de Duran Duran (« Ordinary world » pour être précis) S’il fallait tracer un tableau à deux colonnes, scindant de manière manichéenne, les bons et les mauvais films d’après Lovecraft, sûr que le résultat pencherait fortement d’un côté plus que de l’autre…
Quelques mois ont passé et les canaux artificiels bordés de restaurants de Providence ont laissé place à la ville rose, Toulouse, haut lieu de ma cinéphilie où, tous les ans, se tient l’extrême festival à la cinémathèque. Justement cette année, un des « highlight » du programme, toujours aussi varié et vivifiant, s’avère justement une adaptation de LOVECRAFT, Color out of space, signée Richard STANLEY que je rencontre pour la seconde fois (la première c’était déjà à Toulouse). Passionné d’ésotérisme, de légendes occultes, des cathares, de drogues hallucinogènes, il apparait de prime abord comme un bon choix pour s’attaquer à l’œuvre d’H.P.L. Il nous raconte au cours d’un déjeuner comment Nicolas CAGE lui a signifié qu’il acceptait le rôle : alcoolisé, nuitamment alors qu’il se trouve dans un bar obscur du Nevada. Un ralliement qui convainc les investisseurs parmi lesquels des malaisiens et des chinois de conférer au film un budget décent. Faut dire que depuis le pourtant médiocre Mandy (dans la famille COSMATOS je préfère le daron !), Nicolas CAGE jouit d’une hype aussi anachronique que tardive dans le milieu du cinéma Fantastique. Tant mieux pour STANLEY et tant mieux pour le film qui nous intéresse !
Vendredi 14 février 21h alors que certains se tapent des restos miteux avec leurs promises en espérant se taper autre chose un peu plus tard, la salle 1 de la Cinémathèque de Toulouse est comble pour Color out of space, plus un strapontin de libre (bon il n’y en a pas mais c’est pour l‘image) et un public impatient, d’autant que la séance a pris un léger retard suite à la présentation trèèèèès riche en anecdotes de Jean-Pierre DIONNET pour Bunny Lake a disparu qui a excité tout le monde comme des acariens au salon de la moquette. L’ambiance est électrique, il va se passer quelque chose. 111 minutes plus tard, alors que le générique de fin déroule, des applaudissements, nombreux et enthousiastes, viennent clore une séance haute en couleur (tombé du ciel !)
Richard STANLEY a réussi son pari et le film aussi immersif que sensitif prend le spectateur par la main pour ne plus le lâcher. Après une mise en place classique sur une famille dysfonctionnelle, les effets de cette météorite polarisent notre attention. CAGE, littéralement habité, tel un funambule sur un fil tendu entre le ridicule et le pur génie, cabotine outrageusement pour notre plus grand bonheur (crise dans la voiture, voix qui change, résolution pour « traiter » son épouse, la traite d’une alpaga…). A mesure que l’environnement se métamorphose (les couleurs, la faune et la flore), nous perdons pied avec la réalité bousculer de manière kinesthésique (sons à la limite de l’audible, couleurs aux confins de notre perception, mutations de l’image). Pour ne pas perdre les plus cartésiens d’entre nous, les moins enclins aux trips, STANLEY n’oublie pas de raconter une histoire et livre des séquences choc (la mère qui se coupe les doigts, la transformation des animaux de la ferme (très référencée à The Thing) ou l’accouchement à l’envers – faut voir le film pour comprendre-). L’humour est également très présent mais par petites touches ou alors dans le cabotinage ou l’auto-parodie de CAGE (la séquence où il est interrogée par les médias). Les décors sont en outre magnifiques (les extérieurs au Portugal)
Très amateur de LOVECRAFT, Richard STANLEY a trouvé la bonne distance ou la juste proximité pour l’incarner et le traduire sur pellicule. Autant vous dire que la suite annoncée, à savoir l’adaptation de Dunwich Horror me fait sacrément saliver !

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