Ni
Dieux, ni maîtres (2019)
Un film d’Éric CHERRIERE
avec Jenna THIAM, Saleh BAKRI, Edith SCOB, Pascal GREGGORY, Jean-Claude DROUT,
Jérôme LE BANNER, Flore GRIMAUD…
Découvrir un film
totalement en salle sans avoir lu une seule ligne le concernant, sans avoir
heurté un spoiler lors d’une lecture
sur le web, sans avoir eu vent de près ou de loin de ce long métrage, en 2020,
s’avère rarissime et pourtant c’est possible ! Ainsi, lorsque je me suis
assis au troisième rang, dernier fauteuil à gauche (j’aime être précis et
surtout un brin psychopathe puisque je pose mon séant toujours au même endroit)
de la salle n°1 de la Cinémathèque de Toulouse, j’ignorais tout de Ni dieux, ni maitres occultant même,
pour cette séance, la lecture du précieux petit programme édité à cette
occasion. C’est donc empreint d’une curiosité émoustillante que je me suis
plongé dans ces aventures médiévales. L’histoire se déroule en 1215 dans un
petit village sur lequel règne un seigneur isolé, Ocam (Pascal GREGGORY), héros des croisades
mais petit tyran à l’égard de ses sujets. Ocan vit reclus dans son château en
décrépitude entouré de quelques mercenaires à sa solde, rongé par ses souvenirs
glorieux et un ennui noir dans lequel il se morfond. Les villageois eux mènent
une existence désœuvrée et rude, menacés par la lèpre, les bandits de grands
chemins et sous le joug d’Ocam aussi impitoyable qu’imprévisible. Peu après qu’ils
ont recueilli et soigné un étranger (Saleh BAKRI) qui a secouru Laure (Jenna
THIAM), cette dernière est enlevée par Ocam pour une sorte de « droit de
cuissage » qu’il s’octroie. Aidés par l’étranger, quelques hommes foncent
vers le château pour secourir la jeune femme dont la virginité n’est plus qu’une
question de minutes…
Si le récit ne brille pas
d’une originalité absolue, il a le mérite de s’inscrire dans un angle vériste
montrant à l’écran toute l’âpreté et la dureté d’une époque. Bien souvent, les films sur le Moyen-Age
et je parle sous le contrôle de mon ami et spécialiste Yohann CHANOIR ne s’embarrassent
pas des anachronismes et des approximations. Éric CHERRIERE s’est attaché à s’approcher
au plus près de cette réalité : l’exclusion des lépreux errant dans des sous-bois
limitrophes du village, les rapports entre seigneurs et vassaux, la dangerosité
et la violence des chemins ou encore le rôle de la grand-mère, sorte de « sorcière »
qui a des connaissances médicinales. Dans le débat qui suivait la projection, Éric
CHERRIERE affirmait qu’il s’était inspiré des premiers chapitres de l’ouvrage essentiel
de Jules MICHELET, La Sorcière. Il
est vrai que le Moyen-Age ne se résume pas aux batailles, aux traités et aux
conquêtes mais également aux populations, aux us et coutumes, à la manière de
vivre et aux croyances… Cette grand-mère, un personnage qui n’a pas de prénom
comme pour renforcer son aura mystique, est incarnée par Edith SCOB, muse de
FRANJU (Les yeux sans visage) pour
son dernier rôle au cinéma. Autre particularité, le film a été conçu sans
cynisme ou « posture » vis-à-vis d’un genre, le cinéma d’aventures.
Le réalisateur ne se met pas au-dessus de son sujet et le traite avec un
respect qui a malheureusement disparu de bien des productions. Ni dieux, ni maîtres file même à
contre-courant des standards actuels en matière de rythme, de montage, de
dialogues. Le long métrage est très « parlé », très littéraire et
sonne comme une déclaration d’amour aux films d’aventures des années 60 à la
fois naïfs et palpitants, feuilletonesques dans le traitement de leur sujet. L’œuvre flirte
même avec un certain onirisme, aux lisières du Fantastique quand le seigneur et
ses guerriers, enivrés, rejouent des scènes
de leurs glorieux exploits, se muant en pantins désincarnés, marionnettes d’une
fatalité et d’une existence vaine.
Les amateurs d’action ne
seront pas en reste, les combats sont nombreux, chorégraphiés par Jérôme LE
BANNER, aussi au générique, montagne de muscles impressionnante, parfait dans
son personnage de brute sanguinaire. Pascal GREGGORY, dans la défroque d’Ocam,
s’avère également parfait en seigneur vieillissant, prisonnier de ses démons. J’ai
particulièrement apprécié la performance de Flore GRIMAUD, en épouse cruelle du
seigneur, à la fois harpie féroce et femme délaissée. Il faut noter également
la présence de Jean-Claude DROUOT, Thierry la Fronde dans une des plus
illustres séries de la télévision française.
Certes, le film n’est pas
parfait et le réalisateur abuse parfois de séquences où nous voyons les
protagonistes courir vers leur destin mais pour sa sincérité, sa singularité,
son ton propre et original, Ni dieux, ni
maitres mérite d’être découvert par un plus large public. Enfin, le film
est dédié à Maurice POLI, particularité qui m’a sauté aux yeux à la lecture du
générique final, j’ai d’ailleurs posé la question au réalisateur qui m’a fait
part de son amitié indéfectible pour le comédien de Poker d’as pour Django, Croc
Blanc (version FULCI), Chiens
enragés de Mario BAVA et des dizaines d’autres, une raison admirable
supplémentaire de soutenir ce film.
D.L
Eric Cherrière et Prof Thibaut (2020)
Maurice Poli avait un petit rôle dans le précédent film de ce réalisateur, Cruel, un film de serial killer que je te conseille
RépondreSupprimerC'est d'ailleurs le dernier film à ce jour de Maurice poli
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