mardi 24 octobre 2023

SANCTIONS 2, IN MEMORIAM BARBARAE (collection KARNAGE n°13, TALION, 2023)

Sanctions ! #2 In memoriam Barbarae L’art de la suite n’est pas aisé, au cinéma comme en littérature. C’est une épreuve pour ceux qui s’y frottent et s’y piquent, un quitte ou double. Il faut enrichir un univers qui ne vous appartient plus totalement, où le lecteur a projeté ses propres envies et dont les desirata s’affranchissent de la volonté du créateur. Il faut faire mieux ou au moins aussi bien, transformer l’essai pour reprendre une expression de l’ovalie. A ce titre, il faut du cran pour s’y confronter et de cran, TALION n’en manque point. Sanctions, le premier volume de la collection Karnage avait eu l’effet retentissant d’un coup de pied d’une virulence féroce dans les glaouis de ses lecteurs qui restèrent, pour beaucoup, stupéfaits de ce qu’ils venaient de découvrir : un mélange de sexe et de sang, du gore sauce cyprine, de la baise façon massacre. Oui mais voilà, les protagonistes de l’affaire avaient cané à la toute fin et les voir ressuscités à l’aune d’une séquelle semblait peu probable, voire grotesque. En tout cas, c’eut été une autre histoire, un autre univers et ça, TALION ne l’imaginait pas. Un autre angle s’avérait nécessaire. Les commentateurs télé, les ultracrépidariens nourris à la redevance, les toutologues incollables sur tous les sujets, le répètent à l’envi : une idéologie ne meurt pas et l’idéologie du couple infernal du premier roman s’est muée en culte pour des sectateurs féroces, sanguinaires et libidineux. Ces derniers, pour la plupart membres du corps enseignant (d’ailleurs ils sortent des corps en saignant !) vénèrent et rendent hommage à leurs dieux de la débauche en infligeant des châtiments corporels et sexuels aux collégiens dépravés qui polluent leurs cours : teubé des cités, salope des quartiers et une paire de jumelles dont le comportement s’avère plus que déplorable. Ces sanctions, mises en scène par le « Censeur » et filmées par un spécialiste échappé du premier volume, terminent sur le dark web où elles assouvissent les fantasmes des plus dégénérés des pervers qui scrollent sur la toile. Elles remplissent une double fonction en répondant fermement à l’irénisme ambiant, le fameux « pas de vague, la mer est calme » de l’Education Nationale et en leur permettant de lâcher les chevaux de leurs paraphilies déviantes (scatologie, passion des pets, nécrophilie, j’en passe et des pires…). Parallèlement, une inspectrice de choc et de charme, Juliette, mène l’enquête bientôt rejointe par des comparses surprenants (je n’en révèle pas trop dans l’intérêt des futurs lecteurs). Inconsciemment, TALION réalise la synthèse parfaite et au féminin avec ce personnage haut-en-couleurs et bandant, entre le commissaire San Antonio (charmeuse et charmante, portée sur le zizi-pan pan, courageuse et instinctive) et son âme damnée Bérurier (grossière, rembarrant celles et ceux qui la font chier, conjuguant gauloiserie et sagacité d’esprit). Frédéric DARD peut être fier de sa descendance (même involontaire !). Dans cette séquelle, TALION pousse les curseurs à fond, dépassant les limites du premier opus allègrement (et incroyablement !), jouant la carte de la surenchère et de l’excessivité (finalement les deux mamelles du Gore si l’on y réfléchit bien), déboussolant le lecteur qui ne s’est plus s’il doit en rire ou en frissonner (sans doute les deux). Cela se lit tout seul, cela s’avale tant le style, toujours ciselé et fluide, nous invite à enchaîner les pages pour connaitre la suite de cette plongée au cœur de la noirceur humaine et de la dépravation. En outre, TALION dépeint à merveille cette France périphérique où survivent les petits fonctionnaires (flics et profs), hérauts d’une république qui les a abandonnés à leur sort, contrits d’être vivants et de ramener leur fraise, poissons arrachés à la flotte qui suffoquent avant l’expiration finale. En quelques saillies (au cours de saillies plus corsées), il dresse la sociologie de ces zones où la banalité de l’ordinaire confère à l’ennui le plus pesant, où la décadence s’expérimente pour de vrai. Ces ponts avec notre réel rendent le récit encore plus prégnant car, empreint d’un vérisme et d’un réalisme social, il donne corps à ces monstres surgis du quotidien, les anime face à ceux qui ont capitulé, rendu les armes et apostasié leur foi et ravalé leurs valeurs. Ces interludes sociétaux dynamisent un carnaval infernal et une farandole effrénée où le sexe surgit de la cave au placard, où les mecs sont des bites et les femmes des trous à combler, symbolisant le vide et l’ennui qu’il faut combattre à tout prix (on en revient toujours au même point), où la merde et le sang s’unissent dans un ultime râle, où la douleur se corrèle à la jouissance. Sanctions 2 est un festival de fesses et de fèces, le puits du foutre de la collection Karnage, un apex d’insanités, un summum d’humour (très) noir muché dans les habits de l’horreur la plus sale, le faîte des outrages et des supplices, un ouvrage à la fois rabelaisien et dardien (Bérurier !), truculent et picaresque, gore et trash qui convoque John WATERS, Stuart GORDON (celui de ReAnimator), Brian YUZNA (celui de Society) et PASOLINI. Un sacré carré d’as ! Play it again, David ! D.L

2 commentaires:

  1. Merci encore ami Didier, quelle chronique !!

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  2. Appréciation pour votre dévouement à la création d'articles utiles qui aident les lecteurs à résoudre leurs problèmes.

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