Il était une fois un gentleman…
Il
est écrit parfois que le cinéma n’a pas d’Eglise, juste des sectes, des
chapelles, et des icônes. Or, près de Canterbury, dans la petite ville
balnéaire de Whitstable, sont entreposées, comme un trésor, quelques reliques
d’une icône du cinéma insulaire. Des
photos, des objets de tournage, des affaires personnelles d’une figure de l’âge
d’or du cinéma britannique et du cinéma bis : Peter CUSHING.
Le
gentleman du cinéma britannique y a vécu de nombreuses années. Il est parti du
script de la vie, mauvais scénario que nous n’avons pas encore digéré, non loin
de cette petite ville, à Canterbury, à l’ombre de la cathédrale, lui qui ne fut
jamais roi, seulement un gentleman de l’écran.
A
lui seul, Peter CUSHING résume et incarne le cinéma de la Hammer. Vedette des
Dracula et des Frankenstein, Peter CUSHING a joué aussi dans ces productions
improbables, aux budgets aussi étriqués que la cervelle des scénaristes qui les
ont conçus après sans doute un abus de bière indigène… Car Peter CUSHING n’a
jamais refusé de jouer dans une de ces réalisations. Il disait même qu’il
espérait que « la Hammer avait déjà
des scripts prêts pour les futurs Dracula et Frankenstein, qu’il pourrait jouer
dans un fauteuil roulant ». C’était un vrai gentleman, il avait le
sens de la fidélité.
Il
a donc tourné dans tout, et dans tous les genres de films possibles. Il a défié
le Yéti, il a triomphé d’un canin retors dans ce chef d’œuvre qu’est Le Chien des Baskerville, il a combattu une momie acariâtre, il
a affronté les vampires et surtout Le vampire, partout, par tous les moyens,
aussi bien dans une Londres contemporaine que dans la Chine rurale. Il a joué
le docteur Frankenstein, le savant fou, lui donnant un visage raisonnable et un
aspect bien sage. Il a traqué un avatar du docteur Hyde, incarné par son vieux complice, sa Némésis, Christopher LEE.
Mais le cinéma n’épuise pas, tant s’en faut, la carrière de Peter CUSHING.
Gentleman, il a aussi joué pour le plus grand nombre, ceux dont le cinéma
s’appelle le petit écran.
Il
fut un de ces nombreux Sherlock Holmes, le détective aux cent visages, mais le
sien est resté sans doute pour l’éternité avec cette série de la BBC. Il participa
aussi aux feuilletons britanniques de cette époque, où le casting était hammerisé, où les réalisateurs, les
décorateurs… avaient appris leurs gammes dans les studios de la Hammer. Les
plus belles lettres de noblesse qui soient dans le pays de l’aristocratie. Il a
ainsi joué dans Chapeau Melon et bottes
de cuir (The Avengers), auprès
de John Steed, qui était, lui aussi, un gentleman. Quelques photos rappellent
cette prestation dans ce petit musée. Le
retour des cybernautes lui a permis de montrer un talent de séducteur,
flirtant outrageusement avec Emma Peel, avec succès (on comprend Emma), ce qui
courrouça évidemment fort notre John Steed.
Trait
d’union, Peter CUSHING l’était aussi. Il a joué dans le premier opus des nouveaux
Avengers. Mais il le fut aussi avec
le film annonçant les blockbusters.
Car Peter a joué dans Star Wars,
épisode IV, en 1977. Au cinéma, les frontières ne sont jamais bien étanches.
Les grands réalisateurs des années 80 et 90 ont été nourris au bon lait du bis.
LUCAS, SPIELBERG, TARANTINO, BURTON…ont vu les films de la Hammer, ont adoré
les productions aux couleurs chatoyantes, les apparitions de la créature du
docteur Frankenstein, les performances de Christopher LEE en Comte Dracula etc.
Rien d’étonnant à voir apparaître des figures majeures du cinéma bis ou du
cinéma populaire dans ces productions qui ont changé, pas toujours en bien, le
cinéma. Martin LANDAU, le capitaine Koenig de Cosmos 1999, est ainsi la
guest-star attitrée de Tim BURTON. Hommage suprême d’un jeune réalisateur,
Peter CUSHING a été invité pour jouer du mauvais côté de la Force, dans ce côté
obscur, qu’on lui connaissait peu. Car, il était un gentleman, soucieux
d’incarner la transition entre un monde qui n’existait plus (le sien) et un
univers qui s’annonçait (le leur).
Il
est mort en silence, salué par ses millions de fans, sans tapages, ni
scandales. Peter Cushing était un gentleman, un vrai.
C’était
le nôtre…
Yohann CHANOIR
NB: Ce portrait a été initialement publié dans le Médusa Fanzine n°24
Sans doute à mes yeux le plus grand acteur du fantastique(désolé Christopher & Vincent), qui suffit à lui seul à incarner l'âge d'or britannique.
RépondreSupprimerIl reprit plusieurs rôles antérieurement tenus par le grand Basil Rathbone et avec quel brio (Baron Frankenstein, Sherlock Holmes, Shérif de Nothingham).
Sa seul présence au générique suffisait à garantir le succès et très rares furent ses mauvais rôles (Tendre Dracula, Panique au Casino).
Gentleman, il sut l'être durant toute sa carrière, nous surprenant par quelques excès de brutalités dont il fut peu coutumier, comme dans Le Retour de Frankenstein ou Corruption.
Un grand Monsieur qui laisse une carrière quasi sans faute et qui a, avec quelques autres, tout simplement relancé toute une industrie, actualisé des mythes cinématographiques tombés en désuétude.
Surtout, avant Cushing, dans l'esprit de tous, on identifiait la créature à Frankenstein ; lui a su personnifier le créateur et ramener la créature au second plan, insufflant à ses personnages toute la monstruosité et le cynisme qui manquaient au savant avant qu'il ne le personnifie.
Merci encore pour tant de belles choses...
Très beau commentaire Arossito. Nous sommes entre fins connaisseurs sur ce blog
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